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Barniérisés !

Janvier 2027 : Michel Barnier, Premier Ministre, présente sa démission à Emmanuel Macron, puis annonce sa candidature à l’élection présidentielle qui vient. Il a plutôt bonne mine, à 76 ans, et se verrait bien Président jusqu’à 81 ans. Pourtant, tous avaient annoncé sa chute imminente dès qu’il avait été nommé, deux ans et quelques mois auparavant. Les optimistes lui avaient donné trois mois et les pessimistes, deux semaines.

En 2024, les dirigeants d’extrême gauche et d’extrême droite étaient persuadés du fait qu’en 2027, leur tour viendrait enfin. Leur affrontement, qui serait digne du dénouement d’un western spaghetti, ouvrirait la porte à la révolution bolivarienne ou mussolinienne que les Français attendaient avec impatience, croyaient-ils. Ils avaient donc estimé que deux ans et demi d’un gouvernement fantoche leur permettrait de se mettre en ordre de bataille pour le grand soir et ils espéraient aussi que Michel Barnier se farcirait tout le sale boulot, comme celui de taxer les retraités ou les grandes entreprises et de maintenir l’âge de la retraite pour éponger les déficits et réduire la dette, ce qui pousserait inexorablement la population vers eux et leur livrerait le pouvoir en 2027.

Erreur fatale. Le premier ministre à titre temporaire se mit à parler aux électeurs avec calme, à traiter les politiciens avec une modestie et un désintéressement apparents. Il rétablit un peu l’équilibres des comptes, apaisa quelques conflits sociaux sans faire trop de dégâts, et réussit même à infuser dans la population l’idée que la sécurité revenait. La douceur de sa voix et de ses manières, ainsi que le bon sens dont il prétendait toujours faire preuve, masquaient en fait un art consommé de la dissimulation dans la manœuvre pour arriver sans bruit à ses fins que Louis XI aurait surement approuvé. En deux ans, les Français s’étaient donc habitués à retrouver le climat d’apaisement et de consensus factice que la population vieillie d’un pays conservateur appelait de ses vœux. Mais les deux partis extrémistes ne s’en rendirent pas compte, occupés qu’il étaient à pousser leurs habituels hurlements de fauves dans les hémicycles et sur les plateaux de télévision.

En début d’année 2027, les journalistes et les analystes politiques, fascinés par la possibilité d’un grand drame national, continuaient à prédire un duel sanglant entre l’extrême droite et l’extrême gauche, suivi d’émeutes partout. Pourtant, les signaux faibles pointaient vers la victoire du septuagénaire au premier tour de la présidentielle, puis vers l’effondrement du nombre de députés des partis extrémistes aux législatives et la renaissance de deux blocs de centre-droit et de centre-gauche. Les électeurs, après avoir été barniérisés pendant deux ans, semblaient en effet prêts à en redemander. Le nom “Barnier” pourrait dériver du mot “Baron”.

On ne pourra pas dire qu’on était pas prévenus.